Au sein même de la Fondation : une histoire d’innovation sociale ?
La Fondation a acquis, à travers ses établissements, une connaissance empirique de ce que signifie innover dans le champ de la solidarité sociale : identifier un manque et trouver des réponses nouvelles pour y remédier. C’est ce qui s’est passé, par exemple, au début des années 1980, quand la Fondation a créé une des premières unités de soins palliatifs, permettant de prendre en charge à l’hôpital des personnes ne relevant plus des soins médicaux, mais ayant encore un grand besoin d’aide. Autre type d’innovation voire d’invention : c’est l’identification d’un besoin émergent, lié à la pandémie du Sida, qui a conduit à la création du premier service d’hospitalisation exclusivement dédié à l’accompagnement des personnes atteintes de ce syndrome, dès 1985, à l’Hôpital Cognacq-Jay.
L’innovation ne passe pas toujours par des transformations en profondeur (dites « radicales ») comme la création de ces deux services. Souvent, elle s’incarne dans une amélioration de l’existant (dite « innovation incrémentale »), ce qui la rend encore plus difficile à identifier. La création du premier foyer d’appartements de coordination thérapeutique à Paris en 1995 est, par exemple, issue du besoin de trouver une nouvelle modalité de prise en charge des personnes atteintes de maladies chroniques, ne relevant plus d’un suivi aigu à l’hôpital, mais nécessitant toujours un accompagnement par des professionnels, capables de mêler approche médicale et approche sociale. De la même manière, la volonté d’améliorer la prise en charge des patients subissant des hospitalisations longues a conduit à l’introduction précoce dans les établissements de la Fondation de pratiques artistiques, qui se sont révélées très efficaces en complément des soins médicaux. Cet effort de répondre toujours mieux aux besoins identifiés passe aussi par le recours aux nouveaux moyens disponibles, comme la mise en place en 2016 d’un réseau social entre patients (My Hospi Friends) dans les deux hôpitaux, afin de lutter contre l’isolement dont souffrent au quotidien bien des malades.
L’innovation peut également se traduire par la création pure et simple de nouveaux établissements répondant à des besoins déjà bien identifiés, mais mal satisfaits. C’est le cas de l’ouverture en 2017 de deux lieux d’accompagnement : le Centre Ressource-Paris qui se donne pour mission d’aider les personnes atteintes du cancer à mieux vivre avec la maladie par des accompagnements physiques et psychologiques de Mieux-Être, et la Maison de vacances solidaire à Hyères qui offre une possibilité de se ressourcer et de se remobiliser, dans un cadre privilégié, à des personnes fragilisées, et cela quels que soient leur âge et leur situation.
Il est toujours plus facile d’identifier les innovations a posteriori, quand l’histoire les a installées comme de véritables acquis, ayant un impact positif pérenne. L’exercice devient bien plus complexe lorsque l’on essaie de saisir celles qui émergent, voire qui devraient advenir, car elles sont moins connues, souvent moins concrètes, ou moins abouties. De plus, il est parfois difficile de distinguer une véritable innovation, avec une influence large et durable, d’une simple nouveauté éphémère.
S’appuyer sur la définition de l’innovation sociale…
Comment, dès lors, débusquer et valoriser aujourd’hui les initiatives relevant de la solidarité sociale de demain ?
Ces initiatives rejoignent peu ou prou ce que l’on appelle désormais l’innovation sociale, définie ainsi par le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire :
L’innovation sociale consiste à élaborer des réponses nouvelles à des besoins sociaux nouveaux ou mal satisfaits dans les conditions actuelles du marché et des politiques sociales, en impliquant la participation et la coopération des acteurs concernés, notamment des utilisateurs et usagers. Ces innovations concernent aussi bien le produit ou service, que le mode d’organisation, de distribution (...).
Elles passent par un processus en plusieurs démarches : émergence, expérimentation, diffusion, évaluation. »
… sans laisser de côté l’invention
À ce critère, somme toute assez classique mais essentiel de l’innovation sociale, nous souhaitons en ajouter un autre, tout aussi majeur : l’invention des individus et surtout de leurs communautés. L’invention, c’est la capacité à se décaler de la norme, à créer des réponses singulières pour mieux ancrer les initiatives dans le temps, la mémoire et la géographie spécifiques de chacun et de tous, en réponse à des besoins forts.
Sélectionner les initiatives via un prisme multifacette
Chaque initiative mise en avant ou soutenue à travers le Laboratoire des solidarités et dans les actions que mène aujourd’hui la Fondation est donc soumise à ce prisme théorique et pratique pour évaluer son degré de novation et plus encore d’invention. Une précaution qui doit permettre d’éviter les effets de mode et de soutenir les projets ayant la valeur sociale ajoutée la plus forte.
Les innovations repérées ne peuvent se réduire, par exemple, à l’entrée technologique. Nous valorisons tout autant les actions améliorant une réponse existante, que celles s’adressant à de nouveaux publics ou besoins, jusqu’aux innovations radicales ayant l’ambition de repenser complètement une modalité de réponse, voire surtout d’imaginer des réponses inédites aux enjeux de solidarité sociale.
Enfin, la quête menée par la Fondation se nourrit également de « visions », c’est-à-dire des analyses d’ordres sociologique, anthropologique et philosophique, portées par des chercheurs et experts du domaine, pour prendre en compte une dimension plus prospective et synthétique de la solidarité sociale de demain.
L’objectif est en effet de considérer la solidarité sociale dans sa dynamique : entre l’hier, l’aujourd’hui et le demain. C’est pourquoi nous essayons également d’interroger le devenir de la solidarité sociale, en particulier les enjeux de ses changements d’échelle.
Pour en savoir plus :
- Télécharger le mode d’emploi de l’innovation sociale rédigé par l’AVISE
- Télécharger la publication de la BPI France Innovation nouvelle génération